Ces dispositifs peuvent-ils encore avoir du sens avec les réformes souhaitées par le gouvernement et portant notamment sur le plafonnement des indemnités prud’homales et celle de l’assurance chômage ?
Commençons par définir ces trois notions :
La rupture conventionnelle
C’est un mode de rupture du contrat de travail, à l’amiable, à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Elle permet de s’entendre sur un départ de l’entreprise sans avoir à justifier d’un motif particulier.
Les parties peuvent convenir librement de la date de la rupture du contrat et du montant de l’indemnité de départ, en rappelant toutefois que le salarié doit obligatoirement bénéficier, a minima, de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
La transaction
Elle ne constitue pas un dispositif de rupture du contrat de travail.
Elle permet seulement de régler un différend qui pourrait naître entre un salarié et son employeur soit suite à un départ de l’entreprise, soit en cours d’exécution du contrat de travail.
Un salarié licencié pour faute par exemple mais qui contesterait formellement la réalité de cette faute pourrait négocier avec son employeur un accord transactionnel afin d’éviter une procédure aux prud’hommes.
L’accord transactionnel suppose que chaque partie soit prête à réaliser des concessions réciproques.
Le salarié doit ainsi être enclin à obtenir une indemnité transactionnelle dont le montant peut être inférieur, dans une certaine mesure, au montant des dommages et intérêts auxquels il pourrait prétendre s’il avait gain de cause devant les prud’hommes.
L’employeur doit de son côté être prêt à verser une indemnité dite transactionnelle sans savoir réellement quelles auraient été ses chances de succès aux prud’hommes si le salarié avait entrepris une telle action. L’employeur s’exonère en tout état de cause d’une procédure prud’homale et des coûts afférents ainsi que du risque éventuel d’une condamnation qui n’est jamais bonne en terme de notoriété sociétale.
La médiation conventionnelle
Elle est applicable, depuis la loi Macron du 6 août 2015, à tout différend né à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, et consiste à avoir recours à un tiers pour tenter de trouver une solution amiable à ce litige avant même qu’une action contentieuse soit diligentée.
L’intérêt de ces différents dispositifs est double :
désengorger les tribunaux devant lesquels les délais pour obtenir une décision peuvent parfois être longs (deux à trois ans) avec, in fine, des décisions quelques fois surprenantes.
permettre à chacun des acteurs de pouvoir quitter la relation de travail en bons termes.
S’engager dans un contentieux prud’homal, au-delà du coût que cela représente, n’est en effet jamais une démarche simple ni valorisante.
Les entreprises dans leur grande majorité prêtent attention à leur image et un jugement de condamnation ne serait pas de nature à leur donner bonne presse. Il ne faut pas oublier qu’un salarié est aussi un consommateur potentiel de cette société. ll ne faut par ailleurs pas sous estimer le temps passé par une entreprise dans la préparation d’un contentieux (pièces à rechercher en interne, points avec son avocat …).
Le salarié quant à lui doit pouvoir rebondir sur un autre poste, à plus ou moins court terme, et il ne sera pas aisé d’avoir de bonnes recommandations de ses anciens employeurs dans un contexte contentieux. Il est d’ailleurs compliqué de faire le deuil d’un précédent poste et de se tourner, de façon positive, vers une nouvelle expérience professionnelle quand on est enlisé dans une affaire pendante devant les tribunaux sur une aussi longue période.
La réforme du Code du travail par voie d’ordonnance proposée par le Président Macron et soumise en ce moment à discussions avec les différentes organisations syndicales et patronales prévoit le plafonnement des indemnités prud’homales.
L’objectif est de permettre à chacun de connaître, avant d’engager un contentieux, le montant des dommages et intérêts auquel il pourrait prétendre ou auquel il pourrait être condamné.
On pourrait penser que le risque pécuniaire étant encadré, employeur et salarié n’auraient plus d’intérêt à aller sur une voie consensuelle.
L’employeur pouvant mieux anticiper et provisionner en amont le risque d’un contentieux et le salarié pouvant gagner en visibilité sur les montants pouvant lui revenir.
Il n’est, pour autant, absolument pas certain que cette réforme soit de nature à amoindrir l’intérêt pour des modes de résolutions concertées des différends.
Rappelons en effet que le barème des indemnités prud’homales qui pourrait ainsi être fixé par voie d’ordonnance s’entend des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. Ce barème ne comprend ainsi pas les autres droits auxquels pourraient prétendre un salarié : rappel d’heures supplémentaires, dommages et intérêts pour préjudice moral …
Il y aura donc toujours une part d’incertitude sur le montant des préjudices indemnisables et indemnisés.
Par ailleurs, la mise en œuvre d’un barème d’indemnisation ne retire pas au conseiller prud’homal son pouvoir d’appréciation quant à la qualification du motif de licenciement.
Il existera donc toujours un aléa, pour le salarié comme pour l’employeur, quant à l’appréciation que fera le conseil de prud’hommes de la réalité du motif de rupture du contrat de travail et de sa gravité.
C’est pourquoi, la résolution amiable des litiges reste à privilégier.
Les dispositions législatives et règlementaires de ces dernières années prennent clairement cette orientation.
Ainsi dans le cadre des actions de Groupe en droit du travail telles que prévues par la loi de modernisation de la Justice du 21ème siècle, aucune action judiciaire ne peut être engagée si l’employeur n’a pas été mis en demeure, au préalable, de faire cesser les troubles et d’engager des discussions à cette fin.
De même, selon l’article L.4121-1 du Code du travail « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces meures comprennent des actions de prévention des risques professionnels ». Il s’agit d’une obligation de résultat pour l’entreprise. La médiation fait partie de ces actions. C’est un outil qui doit désormais figurer dans le document unique d’évaluation des risques professionnels.
On voit que la médiation tend à devenir un préalable obligatoire avant toute action judiciaire. La voie consensuelle a donc pleinement sa place dans les relations du travail de demain.
La réforme du chômage pourrait certainement beaucoup plus fragiliser le recours à la rupture conventionnelle.
Ce dispositif, mis en place en 2008, permettait de répondre efficacement aux situations des employeurs comme des salariés qui souhaitaient pouvoir mettre fin à une relation contractuelle qui ne donnait entière pas satisfaction, et sans avoir à entrer dans des schémas de procédures complexes.
C’est pourquoi ce dispositif a connu et connaît encore un grand succès. Le nombre des ruptures conventionnelles ne cessent de croître.
Pour les salariés, ce dispositif présente l’intérêt de pouvoir disposer des droits aux allocations de retour à l’emploi ce que ne permet pas, à ce jour, la démission.
Dans un contexte où le marché du travail est tendu, on comprend que les salariés ne sont plus enclins à démissionner s’ils ne disposent pas d’une sécurité professionnelle ou pécuniaire.
Le projet du gouvernement, de faire de la démission un cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit au chômage, permettra certainement de lever ces freins.
On devrait ainsi assister à une baisse du nombre des ruptures conventionnelles, même si on constate que 30 % de celles-ci sont en réalité contraintes.
L’augmentation du forfait social à 20 % n’a vraisemblablement pas été assez dissuasive pour les entreprises qui continuent, en tout cas pour certaines d’entre-elles, à en faire un instrument permettant de contourner les règles du licenciement.
Il n’en reste pas moins que la rupture conventionnelle permet aux salariés de disposer, lorsqu’il quitte l’entreprise, d’une indemnité conventionnelle ou légale de licenciement ce que ne permet pas la démission. Un salarié pourra donc, pour cette raison, continuer à négocier son départ dans ce cadre.
A suivre …
Sylvie Combier Avocat au barreau de Lyon http://www.combier-avocat-lyon.fr